De luxueuses villas avec piscine chauffée, en pleine nature et à prix cassé, situées sur un territoire occupé en Cisjordanie: c’est ce que proposait en mars dernier des foires immobilières israéliennes au Québec et aux Etats-Unis, révèle le média indépendant Pivot, basé au Canada et qui s’est infiltré dans l’une d’entre elle.

Lors de ces salons, tout est mis en oeuvre pour mettre en confiance les potentiels acheteurs. Il est possible d’échanger avec des promoteurs, des juristes ou des spécialistes en taxation pour investir dans des villes israéliennes comme Tel Aviv, mais aussi dans des colonies israéliennes de Cisjordanie telles que Neve Daniel, Efrat ou encore Ma’ale Adumim.

Cette pratique est pourtant contraire au droit international, la quatrième Conventions de Genève interdisant l’établissement de colonies, dans la mesure où celles-ci sont une forme de transfert de population dans le territoire occupé.

Or, la Cisjordanie est considérée comme un territoire occupé par Israël depuis sa capture lors de la guerre des Six Jours en 1967. Cependant, l’Etat hébreu ne l’a ni annexée ni déclarée formellement comme faisant partie de son territoire. Cette situation crée donc une ambiguïté quant à sa souveraineté et à ses frontières.

Piscine chauffée et dispositif de sécurité

La journaliste québécoise Oona Barrett, du média Pivot, s’est infiltrée en caméra cachée dans l’une de ces foires en se faisant passer pour une Israélienne intéressée à acquérir un bien. Elle se retrouve rapidement face à une agente immobilière qui assume vendre des projets immobiliers dans plusieurs colonies, dont celle d’Efrat. « C’est très très beau. C’est dans la nature, il y a beaucoup de champs. Il y a 32 maisons. Cela va de six pièces à beaucoup plus. Certaines ont des piscines et c’est chauffé », dépeint la commerciale.

Elle décrit à la journaliste sous couverture Efrat comme une « ville dans une ville » avec « beaucoup de sécurité » et surtout « beaucoup d’intimité ». Un autre atout du projet est le prix, qui est jusqu’à deux fois moins élevé en Cisjordanie occupée qu’ailleurs en Israël.

De plus, ajoute l’agente immobilière, il est avantageux pour les personnes de l’étranger d’acheter à Efrat, en raison de l’exemption des taxes à l’achat qui s’élèvent à 8%. Un argument de vente non négligeable qui incite des particuliers non israéliens à s’installer sur des territoires colonisés. Les colons israéliens bénéficient également d’avantages fiscaux en échange de leurs investissements dans des zones à risques.

Selon l’un des avocats présents à cette foire, l’achat de certaines propriétés en Cisjordanie serait tout à fait légal. « Ça dépend de l’endroit en Cisjordanie, mais si tu achètes à Efrat, c’est 100% légal. Tu peux avoir une hypothèque dans toutes les banques israéliennes », assure-t-il.

Des foires du même type en France

Quelques jours plus tard, une foire immobilière similaire se tenait à Paris, dans lequel le média indépendant Blast a réussi à s’infiltrer. Il a été toutefois bien plus difficile pour les journalistes de trouver des informations concrètes sur ces pratiques en France qu’outre-Atlantique. Les agents immobiliers s’y exprimaient en effet avec bien plus de retenue sur la question des territoires occupés en Cisjordanie.

L’agence immobilière française qui proposait des projets aussi au Canada a même modifié l’affiche de son stand, remplaçant la mention des villes occupées de Cisjordanie par la mention « Jérusalem et ses environs ». En revanche, les appartements en vente à Efrat et Nevé Daniel figurent toujours sur le site internet.

D’autres salons de ce type devraient voir le jour durant l’été dans d’autres villes françaises comme Nice ou Marseille, selon des informations de Blast.

Hélène Krähenbühl